Introduction aux TPE

La Haute Couture

En apprendre plus sur la Haute Couture
La Haute Couture et ses dérivés : un milieu très médiatisé

La ville, lieu de création : Paris, capitale de la Haute Couture

En quoi la haute-couture est-elle un art controversé ?


 
 

LA HAUTE COUTURE EST-ELLE UN ART ?

 
 

 

"L'art de la Haute Couture" :

Voici une formulation qui entraine bien des confusions… En effet à la question "Selon vous la Haute Couture fait-elle partie des Beaux-Arts ? ", les réponses sont très mitigées. Ainsi, pour y répondre, il est assez intéressant d'étudier les pensées de Platon et Kant. A priori ils ne sont pas contemporains de la Haute Couture, mais ils se sont penchés sur un de ses aspects particuliers, qui est la relation entre l'art, le beau et l'utile…

 

Le problème initial dela "tekhnê" :

En grec la tekhnê désignait à la fois l'ensemble des pratiques utilitaires ("savoir-faire", métiers) et les beaux-arts. Le problème est qu'à cette époque rien ne permettait de les distinguer dans le langage courant, et qu'aujourd'hui l'évolution des langues a malheureusement conservé ce double sens : d'abord dans le mot latin ars, puis dans le mot français «art». Ainsi les confusions perdurent…

Au XVIIIe siècle apparaît le mot «technique», qui désigne les procédés reproductibles et transmissibles, employés pour obtenir un résultat déterminé, ce qui implique la notion d'utilité. Parallèlement, le mot «art» en vient à désigner plus exclusivement l'ensemble des activités, ayant pour finalité la réalisation d'«œuvres» esthétiques.

L'esthétique renvoie à tout ce qui est beau dans l'art et dans la nature, c'est une discipline qui s'efforce de rendre compte de la beauté et qui implique un jugement de goût.

Progressivement le mot "art" s'est réduit au domaine des Beaux-Arts et le mot "technique" à tout ce qui concerne le domaine de l'utilitaire. Donc l'art, contrairement à la technique, ne vise pas la production de quelque chose d'utile.


Le point de vue de Kant: qu'est ce que le beau ?

Critique de la faculté de juger, § 5

Beau n'est ni ce qui est agréable, ni ce qui est utile, ni ce qui est bon.

"L’agréable et le bon ont l’un et l’autre une relation avec la faculté de désirer et entraînent par suite avec eux, le premier une satisfaction pathologiquement conditionnée (par des excitations, stimulos), le second une pure satisfaction pratique ; celle-ci n’est pas seulement déterminée par la représentation de l’objet, mais encore par celle du lien qui attache le sujet à l’existence de l’objet. Ce n’est pas seulement l’objet, mais aussi son existence qui plaît. En revanche le jugement de goût est seulement contemplatif ; c’est un jugement qui, indifférent à l’existence de l’objet, ne fait que lier sa nature avec le sentiment de plaisir et de peine. Toutefois cette contemplation elle-même n’est pas réglée par des concepts ; en effet le jugement de goût n’est pas un jugement de connaissance (ni théorique, ni pratique), il n’est pas fondé sur des concepts, il n’a pas non plus des concepts pour fin.

L’agréable, le beau, le bon désignent donc trois relations différentes des représentations au sentiment de plaisir et de peine, en fonction duquel nous distinguons les uns des autres les objets ou les modes de représentation. Aussi bien les expressions adéquates pour désigner leur agrément propre ne sont pas identiques. Chacun appelle agréable ce qui lui FAIT PLAISIR ; beau ce qui lui PLAIT simplement ; bon ce qu’il ESTIME, approuve, c’est-à-dire ce à quoi il attribue une valeur objective. […] On peut dire qu’entre ces trois genres de satisfaction, celle du goût pour le beau est seule une satisfaction désintéressée et libre ; en effet aucun intérêt, ni des sens, ni de la raison, ne contraint l’assentiment."

Du point de vue de Kant, la Haute Couture ne serait pas un art appartenant aux Beaux-Arts car la notion de nécessaire entre en compte. Pour lui la Haute Couture n'est qu'un luxe, qui se définit comme le "sommet du progrès de la culture et qui apparaît lorsque la tendance au superflu commence à nuire au nécessaire". C'est à dire que même si la Haute Couture n'existait pas à son époque, il est certain qu'aujourd'hui il s'opposerait au fait qu'on puisse la catégoriser comme appartenant aux Beaux-Arts.


Le point de vue de Platon : Serait beau ce qui est utile (beau est à prendre aujourd'hui dans le sens d'artistique).

Hippias Majeur : "L'utile et l'avantageux" (295b-297e)

SOCRATE. (…) Voici sur quoi je fonde cette définition. Nous appelons beaux yeux, non ceux qui ne peuvent rien voir, mais ceux qui le peuvent, et qui sont utiles pour cette fin.

HIPPIAS. Oui.

SOCRATE. Ne disons-nous pas de même du corps entier, qu'il est beau, soit pour la course, soit pour la lutte? Et pareillement de tous les animaux, par exemple qu'un cheval est beau, un coq, une caille; de tous les ustensiles; de tous les moyens de locomotion, tant sur terre que sur mer, comme les bateaux de commerce et les navires de guerre; de tous les instruments, soit de musique, soit des autres arts; et encore, si tu le veux, des mœurs et des lois? Nous donnons ordinairement à toutes ces choses la qualité de belles, envisageant chacune d'elles sous le même point de vue, c'est-à-dire par rapport aux propriétés qu'elle tient ou de la nature, ou de l'art, ou de sa position, appelant beau ce qui est utile, en tant qu'il est utile, en tant qu'il sert à une certaine fin, et autant de temps qu'il est utile ; et laid, ce qui est inutile à tous égards. N'est-ce pas aussi ton avis, Hippias?

HIPPIAS. Oui.

SOCRATE. Ainsi, nous avons raison de dire que le beau n'est autre chose que l'utile?

HIPPIAS. Sans contredit, Socrate.

SOCRATE. La puissance est donc une belle chose, et l'impuissance une chose laide?

HIPPIAS. Assurément: tout atteste la vérité de cette définition, Socrate. (…)

 

Si on se penchait uniquement sur cette partie d'Hippias Majeur, on supposerait que Platon définirait la Haute Couture comme un art décoratif. Malheureusement nous ne pourrons pas avoir de réponse à cette interrogation, dans le sens où Platon est antérieur à la Haute Couture. Néanmoins, il penserait certainement que toute les finitions dont résultent les créations sont "belles" car elles sont utiles, étant donné que le vêtement l'est…

Pour conclure, on peut dire que la Haute Couture ne fait pas partie des Beaux-Arts mais plutôt des arts décoratifs, art et design etc. C'est à dire que dans le sens où elle mélange art et industrie, elle devient un artisanat et compte tenu du fait que les artisanats font partie des arts et métiers, la Haute Couture en fait partie aussi.

Néanmoins, on sent à travers cette réflexion que le problème n'est pas simple. La Haute Couture est-elle si utile ? Il semble que la réponse est oui, comme nous l'avons déjà vu dans "Qu'est ce que la Haute Couture ?".

Mais l'est-elle pour tout le monde ? …

 

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